Note de politique générale Santé publique 2022
Le maintien d’un service de santé basé sur la solidarité nécessite des investissements et des réformes.
L’épidémie de COVID-19 reprend de la vigueur: sans les vaccins, nous serions confrontés à une crise sanitaire, économique et sociale sans précédent. Cependant, malgré la vaccination, l’épidémie pousse de nouveau les soins de santé au-delà du seuil de tolérance, aussi bien dans les soins de première ligne que dans les hôpitaux.
Nous avons tous résisté au virus grâce à une série de mesures, mais nos principes fondamentaux ont à cet égard toujours été la science et la solidarité.
(1) La science, pour garder les personnes en bonne santé ou leur rendre la santé sur la base de faits, d’une analyse critique et de l’acquisition continue de nouveaux éclairages.
(2) La solidarité, comme fondement de notre système de sécurité sociale et de soins de santé. Mais la solidarité s’est aussi manifestée dans l’énorme engagement du personnel soignant, dans le respect de la population pour prendre tous ensemble des mesures difficiles. La solidarité s’est également manifestée dans le succès de la campagne de vaccination.
L’épidémie a également montré la résilience de notre système, et a donc apporté de très nombreux éléments positifs. Il suffit de penser à la collaboration spontanée, bottom-up, non imposée par Bruxelles, qui s’est manifestée dans les hôpitaux ainsi qu’entre les hôpitaux et les maisons de repos et de soins, avec les médecins généralistes, les centres de testing et de vaccination, ainsi qu’avec tous nos soignants. Et ce, au-delà des barrières de langue et de compétence. Certains sont allés au pied levé travailler dans d’autres services, ou ont pris en charge des patients par la voie virtuelle, par le biais de téléconsultations ou d’autres applications en ligne innovantes qu’ils n’avaient jamais utilisées auparavant. Physiquement distants mais mentalement proches. Des murs ont été abattus, le cloisonnement a été brisé. Des développements positifs que nous devons accueillir à bras ouverts et intégrer sans plus attendre.
Parallèlement, l’épidémie a également révélé des points à améliorer. Nous avons appris à quel point il est important de continuer à investir dans nos soins de santé. C’est ce que nous faisons maintenant. Outre le modèle organisationnel le plus efficace, des soins de santé accessibles et abordables nécessitent également un financement efficace. Tous deux sont interdépendants, en insistant sur l’adjectif “efficace”.
Mais le piège que nous devons éviter, c’est faire plus de la même chose avec plus de moyens. C’est pourquoi nous voulons susciter un changement radical de perspective dans le cadre du travail budgétaire au sein de l’INAMI: le budget des soins de santé doit partir d’objectifs sanitaires et ne peut pas être la somme de négociations dans le cadre desquelles des objectifs budgétaires “partiels” sont répartis sur la base de revendications financières. Aujourd’hui, nous nous éloignons progressivement de cette approche classique. Plus encore, avec toutes les parties prenantes, nous renversons cette philosophie. En effet, la première question est désormais la suivante: de quels soins avons-nous besoin?
Pendant longtemps, nous avons considéré la santé essentiellement comme l’absence de maladie. Cependant, cette idée est désormais dépassée, surtout si l’on tient compte du vieillissement croissant de la population. Les soins d’hier ne sont plus les soins de demain. Parce que notre espérance de vie s’allonge, notamment grâce à des soins de santé de qualité, mais vivre plus longtemps signifie inévitablement que nous serons confrontés à un plus grand nombre d’années de vie placées sous le signe de limitations et d’affections chroniques. Et cela augmente le besoin de soins. Une bonne prévention permet d’atténuer cette évolution, mais pas de l’arrêter. L’accessibilité demeure à cet égard un défi majeur dans notre système de soins de santé.
Le budget AMI 2022 permet de nouvelles initiatives, en se concentrant sur quatre thèmes: soins adaptés (efficacité, soins appropriés au bon endroit), meilleure accessibilité des soins, qualité des soins ainsi que prévention secondaire et tertiaire, y compris les trajets et parcours de soins et les soins intégrés. Concrètement, cela signifie pour 2022:
• Attention à la prévention par le biais de trajets de soins
• Abaissement du plafond de la Facture maximale pour les familles aux revenus les plus faibles
• Abolition de l’interdiction du régime du tiers payant
• Meilleur accès aux soins (bucco-)dentaires
• Poursuite du développement de l’hôpital de jour
• Numérisation de nos soins de santé, notamment pour le déploiement du dossier électronique intégré du patient
Outre le budget AMI, un certain nombre d’autres projets importants sont en chantier pour le futur immédiat. À une époque où notre bien-être mental est sous pression, nous devons rendre les soins de santé mentale de première ligne accessibles et abordables. Tous les réseaux de soins de santé mentale ont adhéré à la nouvelle convention INAMI, mais il reste encore énormément de travail au sein des réseaux. Il est crucial que cette réforme réussisse, mais cela prendra du temps. Cela s’inscrit également dans une ambition plus large de poursuivre le renforcement de la médecine générale. Par exemple, l’un des objectifs des 4AIM est que les prestataires de soins de santé fassent eux-mêmes l’expérience d’une qualité accrue, notamment grâce à une meilleure collaboration mutuelle.
Un certain nombre d’initiatives ponctuelles, comme le rôle approfondi du pharmacien en matière de testing et de vaccination, l’incitation au bon usage des médicaments, la suppression du certificat médical pour les absences de courte durée, doivent aider les médecins généralistes à se concentrer sur leurs tâches essentielles. Et nous devons réfléchir en profondeur aux possibilités offertes par la télémédecine. Une technologie du 21e siècle ne peut être mise en œuvre avec succès sur la base des schémas organisationnels et techniques financières du 20e siècle: la télémédecine nécessite une approche très différente du “fee-for-service” dans le domaine des soins de première ligne.
La réforme du financement hospitalier doit conduire à plus d’efficacité et de justice sociale au sein des hôpitaux ainsi qu’envers les patients et ne doit pas “geler” les modèles existants inefficaces (par exemple, imagerie et biologie clinique).
En conclusion, la question posée dans ce document d’orientation, et que nous devons tous nous poser, est de savoir si ce que nous faisons aujourd’hui est suffisant. La réponse est incontestablement non.
Ainsi, pas moins de 900 000 Belges reportent une visite chez leur médecin généraliste (QUALICOPC), tandis que 15 % des familles rencontrent des difficultés à faire face aux dépenses de soins de santé (enquête de santé 2018). Ainsi, le taux de mortalité des personnes faiblement qualifiées est encore deux fois plus élevé que celui des personnes hautement qualifiées. Nous nous classons toujours médiocrement en ce qui concerne l’espérance de vie, et très mal en ce qui concerne l’écart de santé entre riches et pauvres, et nous supportons toujours des coûts de santé évitables trop élevés. Depuis des années, nous comptons parmi les plus mauvais élèves de la classe européenne en matière de dépenses de prévention.
En s’appuyant sur une nouvelle philosophie (des soins efficaces couplés à des investissements intelligents et donc, à un financement intelligent), construite sur ce socle de solidarité qui résiste à l’épreuve du temps, l’objectif est de relever les défis et de combler les lacunes de notre système de soins de santé.
Autant placer la barre le plus haut possible, au risque que certains chantiers ne soient pas encore achevés. Pas même pendant cette législature. Réformer prend du temps, tous les décideurs politiques le savent. Et c’est parfois frustrant.
Mais si nous voulons non seulement préserver la solidité de notre système de soins de santé, mais aussi le préparer pour l’avenir, nous devons oser modifier ce qui est devenu une habitude bien ancrée et, le cas échéant, oser le remplacer sans tabou. Pas à pas, et toujours en concertation.
Et ce sur la base des lignes directrices suivantes:
a. Un cadre d’investissement financier stable qui donne de l’oxygène à notre système de soins de santé
b. Des soins abordables, à bas seuil et accessibles pour tous les Belges
c. Passer des soins médicaux aux soins de santé
d. Passer du cloisonnement à la collaboration
e. Stimuler des soins innovants et l’innovation
f. Des soins pour les patients, mais surtout, avec les patients
En conclusion, réformer notre politique de soins de santé (faire avancer le pétrolier dans la bonne direction) ne pourra jamais être l’œuvre d’une seule personne. La création de la santé ne peut ni ne doit pas être uniquement ma préoccupation. Elle doit aussi être celle d’autres ministres, indépendamment de la région linguistique et de la compétence. Mais si nous gardons toujours à l’esprit cette ambition centrale, ce point de mire, à savoir créer le plus de santé possible pour un maximum de personnes dans notre pays, nous construirons, sur les bases solides que constituent aujourd’hui déjà les soins de santé publics, non seulement les soins, mais aussi la société de demain.