Les soins intégrés s’ancrent en Belgique
Alors que les 12 projets pilotes de soins intégrés qui ont été lancés en 2018 et les 19 projets P3 relatifs aux personnes âgées devaient prendre fin le 31 décembre de cette année, le Comité de l’assurance de l’INAMI a décidé ce matin d’ancrer encore davantage les soins intégrés dans le système belge grâce d’une part, à une nouvelle convention pour ces projets et d’autre part, au lancement d’un nouveau Plan interfédéral Soins intégrés.
Qu’est-ce que des “soins intégrés” ? L’expression le dit d’elle-même : il s’agit, au contraire des soins morcelés, d’un type de soins qui tend vers une collaboration à différents niveaux. « Dans ce modèle, le patient est impliqué de manière beaucoup plus active dans ses propres soins. La séparation entre bien-être et soins de santé disparaît également. Chaque acteur qui intervient dans les soins pour une personne ou une famille spécifique collabore avec les autres acteurs autour de celle-ci, au sein d’une équipe pluridisciplinaire », explique Frank Vandenbroucke. « Ces équipes offrent tout un ensemble de soins adaptés au patient (axés sur la personne), mais aussi adaptés au quartier dans lequel vivent les personnes (axés sur la communauté).»
Les soins intégrés visent des personnes qui, en raison des circonstances ou du vieillissement, sont confrontées à des problèmes de santé mais aussi à toutes sortes d'autres problèmes : qu'il s'agisse des conséquences d’un accident vasculaire cérébral ou du Covid, du stress ou du diabète, d'une démence précoce ou de douleurs articulaires - ou d'une combinaison de problèmes -, il y a aussi des conséquences sur les revenus, les contacts sociaux, la confiance en l'avenir, et bien d'autres aspects qui peuvent compromettre la qualité de vie ou les objectifs de vie de l’individu. En ce sens, les soins de santé ne concernent pas seulement la maladie, mais aussi l'être humain.
Des modèles de soins intégrés actuels…
Le premier plan relatif aux soins intégrés remonte à 2015. Le principal pilier du plan était l’engagement de mettre en place des projets pilotes. Leur objectif était d’expérimenter des soins intégrés pour malades chroniques dans le respect de la logique du Quintuple Aim[1] et en portant attention au principe d’équité et la satisfaction des prestataires de soins. A l’origine, ces initiatives étaient censées s’autofinancer par une réduction des dépenses et des gains d’efficacité. Il est toutefois apparu au fil des évaluations que ces projets avaient besoin de moyens financiers pour pouvoir lancer des initiatives innovantes.
A côté de ces douze projets pilotes, il existe également 19 projets P3 (référant au Protocole 3) pour les personnes âgées, qui soutiennent au maximum l’autonomie de celles-ci via des interventions ciblées. De même, les 32 projets dans le cadre de la convention des soins psychologiques de première ligne entre l’INAMI et les 32 réseaux de santé mentale sont aussi une forme d’intégration de soins ou de soins intégrés.
… à un renforcement de ceux-ci et un nouveau Plan interfédéral
Une évolution importante des soins intégrés a récemment été amorcée au sein du Comité de l’assurance et du Conseil général, à savoir la mise en place dans l’assurance maladie d’un cadre pluriannuel lié aux objectifs de (soins de) santé. Par ailleurs, des moyens budgétaires sont aussi déployés dans les domaines prioritaires : l’accessibilité, les soins de santé mentale et les soins intégrés, notamment via des projets transversaux où sont développés des trajets de soins principalement centrés sur le patient.
« Ces dernières années, l’idée que la fragmentation actuelle des soins n’est plus tenable a également percé dans notre pays. L’évidence est apparue qu’il fallait, outre soutenir les initiatives existantes, également œuvrer à un nouveau Plan interfédéral Soins intégrés », indique le ministre de la Santé publique
Pour ce faire, l’INAMI a prévu – à la demande du ministre Vandenbroucke - le soutien des projets et c’est le consortium WeCare qui a été retenu. Il sera responsable de la détermination du trajet de suivi pour les soins intégrés dans notre pays. Sa mission a débuté le 15 juin et durera 30 mois. Il sera chargé à la fois de soutenir l’élaboration du Plan interfédéral Soins intégrés, mais aussi d’approfondir les expériences acquises via les différents projets afin de pouvoir développer et organiser des soins intégrés de manière plus large sur le terrain, en se basant sur les expériences qu’ils ont acquises ces dernières années.
Un « nouveau » Plan interfédéral Soins intégrés
La conception et la mise en œuvre d’un plan interfédéral doit reposer sur une stratégie de changement globale qui se greffe sur le Quintuple Aim. Dans ce contexte, le niveau méso – à un niveau de population de par exemple 75.000 – 150.000 habitants - doit être davantage soutenu et renforcé, en vue de poursuivre le développement locorégional des soins axés sur la population et les patients.
Il s’agit maintenant de créer un cadre plus précis à partir des nombreuses expériences différentes, à propos duquel un accord est conclu au niveau interfédéral et sert d’orientation pour le développement, la réglementation, les choix en matière de financements, la gouvernance, l’opérationnalisation, … et ce, dans le cadre des compétences de chaque entité. Ce processus pourrait idéalement aboutir à un accord de coopération par lequel les soins intégrés peuvent devenir une politique interfédérale largement soutenue par les parties prenantes.
Des soins intégrés pour une population en meilleure santé
Et le ministre Vandenbroucke de conclure : « S’il me semble vraiment important de poursuivre dans la voie des soins intégrés et de l’approfondir, c’est parce que l’être humain s’en portera aussi beaucoup mieux. Les soins aujourd’hui sont perçus comme très impersonnels, tant par les prestataires de soins que par les bénéficiaires de soins, et certainement par les personnes atteintes de plusieurs maladies chroniques. Le fait que tous ces prestataires de soins interviennent séparément, sans vraie coordination et souvent payés à l’acte, entraîne souvent que des problèmes restent non découverts et donc non résolus, ou que les soins s’attachent trop peu à ce qui est vraiment important pour la personne. Dans les soins intégrés, le système a au contraire tout intérêt à ce que les gens soient en bonne santé. Un objectif qui semble l’évidence même mais dont notre système de soins de santé s’est trop détourné au fil du temps»
[1] Quintuple Aim : il s’agit de viser à obtenir – avec le budget disponible pour les soins de santé – davantage de santé pour la population, une meilleure expérience de la qualité des soins, une diminution de la charge pour le personnel soignant et une réelle accessibilité des soins pour tout un chacun.