Les soins de santé de demain : ni « moins de la même chose », ni « plus de la même chose », mais « plus d’autre chose »
Discours de Frank Vandenbroucke au colloque sur les 60 ans de l’INAMI
Bonjour à toutes et tous,
Soixante ans, c’est un bel âge. On dit parfois que la vie commence à 60 ans. Je ne pense pas que la vie de l’INAMI commence seulement. Au contraire, je voudrais en premier lieu vous remercier toutes et tous pour ce qui a été accompli au cours de cette histoire - qui est impressionnante entre-temps. Je veux vous remercier pour votre dévouement et votre engagement dans la concertation dont l’INAMI est le garant et l’organisateur. Je parle ici de la concertation dans le secteur des soins de santé entre les prestataires de soins et les mutualités, mais aussi de la cogestion par les syndicats, les employeurs et représentants des indépendants, et via les organismes assureurs au sein des comité de direction de l’INAMI. Le modèle de concertation de l’INAMI est à plusieurs niveaux et ancré durablement dans le cadre plus large d’une protection sociale basée sur la concertation et la cogestion. Cette concertation est essentielle, j’y reviendrai. Mais je tiens également à dire aujourd’hui que l’INAMI va devoir commencer une nouvelle vie, ou, autrement dit : si nous voulons façonner l’avenir grâce au modèle de concertation spécifique, dont l’INAMI est le garant, en particulier pour l’avenir des soins de santé, il va devoir se réinventer dans ce domaine. Ce constat a également des implications pour le rôle propre de l’INAMI, comme je le soulignerai à la fin de mon introduction.
C’est devenu un cliché : les soins de santé sont sous pression. C’est néanmoins une réalité. Et la situation n’est pas près de changer au cours des prochaines années. Car le vieillissement de la population continuera à être une source de tension. Les personnes qui ont besoin de soins sont en hausse. Et elles cumulent plusieurs pathologies. Souvent, un suivi plus spécialisé de ces patients vieillissants est nécessaire, et différents prestataires de soins collaborent pour assurer ce suivi. Simultanément, on assiste à une vague de départs à la retraite chez les prestataires de soins, et une nouvelle génération de soignants envisage différemment la relation entre le temps consacré au travail et le temps consacré à la vie privée. Ajoutez à cela la chute des inscriptions aux formations de l’art infirmier après l’allongement du bachelier, qui ne s’est pas accompagné d’une revalorisation du contenu de la profession. Nous venons d’initier cette nécessaire revalorisation de l’art infirmier, mais il faudra du temps avant de pouvoir ressentir les effets sur le terrain.
La pénurie relative de prestataires de soins qui est le résultat de la combinaison de tous ces facteurs n’entraîne pas uniquement un allongement des délais d’attente et, surtout chez les généralistes, des refus d’accepter de nouveaux patients. Il y a deux autres conséquences néfastes. Premièrement, les prestataires de soins se sentent plus libres de sortir de la convention et de facturer des suppléments : dans un certain nombre de régions, les patients n’ont de toute façon pas le choix s’ils veulent trouver un médecin spécialiste, un dentiste ou un kinésithérapeute. De ce fait, il est plus facile de choisir de sortir de la convention. Un déconventionnement de grande ampleur comporte de nombreux risques : non seulement les soins de santé deviennent inaccessibles et inégaux, mais il devient aussi plus difficile de gérer les soins de santé. Et il y a une deuxième conséquence néfaste, si nous prenons en compte les défis auxquels nous devons faire face. Il ne va pas de soi de demander à des prestataires de soins déjà surchargés d’accorder plus d’attention à l’un des plus grands défis sanitaires de notre époque : le nombre grandissant de personnes qui restent à la maison à cause d’une maladie de longue durée. Et pourtant, c’est ce que nous allons devoir faire : à l’avenir, les médecins traitants et d’autres soignants devront, eux aussi, beaucoup plus se préoccuper de ce dont leurs patients en incapacité de travail sont encore capables de faire dans le monde du travail. Cela demandera non seulement une expertise à développer sur l’incapacité de travail, mais également du temps et des efforts supplémentaires.
Je lis et j’entends souvent sur le terrain deux réactions au sentiment largement répandu de « sollicitation excessive », et selon moi, ces deux réactions sont néfastes. Je peux résumer la première réaction en ces quelques mots : « moins de la même chose ». Car c’est en réalité la solution de médecins mécontents, pour qui le problème est principalement dû aux patients qui en demanderaient trop, qui s’empressent de se rendre chez le généraliste ou aux urgences à la moindre occasion. Selon ces médecins, le cœur du problème est qu’ils sont devenus trop accessibles, ou « trop bon marché ». En bref, il faudrait limiter la demande sans rien changer à l’offre de soins existante. Autrement dit, « moins de la même chose ». La deuxième réaction, quant à elle, pourrait se résumer par ces mots : « plus de la même chose ». C’est le plaidoyer pour qu’on accorde tout simplement (beaucoup) plus de moyens aux hôpitaux, aux budgets de l’assurance maladie, sans remettre en cause l’organisation et le financement du système en soi.
L’idée que les soins de santé sont sous pression parce qu’ils sont devenus trop accessibles ne repose sur aucune base empirique. Bien sûr, nous devons expliquer aux patients quand il vaut mieux consulter un médecin et quand ils devraient s’abstenir. Il va de soi qu’il faut qu’ils se comportent en « bons patients », sans doute encore plus aujourd’hui qu’hier. Dans le livre que je viens de publier, je préconise une initiative concrète pour définir et promouvoir ce que signifie « se comporter en bon patient ». Mais « moins de la même chose » en installant des obstacles financiers supplémentaires n’est vraiment pas une recette réaliste pour l’avenir. Par ailleurs, « plus de la même chose » n’est pas une solution non plus, ne serait-ce que pour une simple raison : ce n’est pas parce qu’on accorde beaucoup plus de moyens qu’on trouvera les hommes et les femmes nécessaires pour multiplier l’offre de soins existante. Nous devrons organiser les choses différemment. Car la pénurie que je viens de mentionner n’est pas seulement une question de « nombre » de prestataires de soins ; elle est également renforcée par des manques d’efficacité dans la manière dont les soins sont offerts, avec trop peu de collaboration, trop peu de continuité, trop de travail administratif, en ne mettant pas assez l’accent sur la résilience des personnes ou sur la prévention...
Ce dont nous avons besoin, c’est de « plus d’autre chose ». Ce qui suppose d’investir et de réformer. Inutile de dire que ce serait une idée particulièrement mauvaise de faire des économies : nous aurons besoin d’un trajet de croissance stable des dépenses de santé solidarisées. Mais nous devrons réformer : au-delà de « plus d’argent pour la santé », il faudra aussi « plus de santé pour notre argent ».
Dans le vaste programme de réforme proposé, et que je ne pourrai pas aborder aujourd’hui par manque de temps, j’envisage quatre dimensions qui doivent conduire à une réflexion critique sur le modèle de concertation. Le politique doit :
- se baser systématiquement sur des objectifs (de soins) de santé,
- mettre l’accent sur une coopération poussée et efficace à tous les niveaux et dans tous les domaines (collaborer autour de chaque patient individuel, au sein des réseaux, et entre les niveaux de compétences),
- revoir le système de rémunération dans une optique de coopération et de continuité des soins, et en cela, garantir la sécurité tarifaire,
- en plaçant réellement au cœur des préoccupations la promotion de la santé, la prévention des maladies et de l’incapacité de travail de longue durée.
Si je résume très brièvement : l’« assurance maladie et invalidité » doit être, de façon cohérente, un levier pour la « santé publique ».
Je n’ai pas le temps de développer davantage dans cette introduction aujourd’hui ; permettez-moi donc de faire référence à un livre que j’ai publié récemment à ce sujet.[i] Ce que je voudrais souligner, c’est que si nous voulons que la concertation, et en particulier la concertation entre les prestataires de soins et les mutualités, joue encore un rôle d’importance à l’avenir, il faudra que le système de concertation et l’INAMI s’approprient ces objectifs. Et je me permettrai d’aller droit au but : la concertation actuelle est trop peu encadrée par les objectifs de santé qui doivent être prioritaires, elle continue, malgré les bonnes intentions, de fonctionner principalement en silos, avec les différentes disciplines qui pensent d’abord à leur propre agenda et n’envisagent la collaboration qu’en second lieu, le système est encore trop peu engagé sur la nécessité de la sécurité tarifaire pour le patient et il envisage les soins et la prévention comme s’il s’agissait de deux univers distincts. Permettez-moi de m’expliquer brièvement.
Après de très nombreuses discussions au cours de la législature qui se termine, nous allons créer une Commission pour les objectifs en matière de soins de santé au sein de l’INAMI, avec une contribution importante d’experts scientifiques indépendants. Le professeur Erik Schokkaert, qui a une grande expérience de la recherche dans le domaine de l’action sociale et des soins de santé, a accepté de présider cette commission. J’en suis très heureux : je suis convaincu que le professeur Schokkaert contribuera grandement au caractère scientifique et indépendant de cette Commission. À l’avenir, avant le début de chaque nouvelle législature, cette Commission proposera des objectifs prioritaires en matière de soins de santé pour l’ensemble de la législature. La Commission devra également évaluer les politiques en cours, année après année, sur la base des objectifs de soins de santé. J'espère sincèrement que la Commission prendra son rôle le plus rapidement possible et encouragera ainsi le Conseil général à identifier des objectifs prioritaires en matière de santé qui pourront inspirer le prochain gouvernement.
La Commission peut déjà commencer à travailler sur les objectifs de santé interfédéraux dont nous sommes en train de discuter avec les entités fédérées et qui devraient jouer un rôle important dans les prochains accords de gouvernement. Le cadre général de ces objectifs de santé interfédéraux a déjà été défini par la CIM Santé publique, au moyen de trois objectifs de santé fondamentaux : premièrement, augmenter la durée de vie en bonne santé ; deuxièmement, réduire les inégalités en matière de santé ; et troisièmement, garantir l’environnement le plus sain possible.
Je sais qu’il était très important pour les représentants des travailleurs et des employeurs que le Conseil général de l’INAMI conserve la compétence de décision ultime sur les objectifs prioritaires en matière de soins de santé, et cela doit naturellement être respecté. Mais je pars du principe que la nouvelle Commission pourra jouer un rôle fort et proactif dans ce contexte. La Commission doit vraiment pouvoir faire en sorte que nous restions « concentrés » sur ce qui est prioritaire en matière de politique de santé et ce qui l’est moins. Il faut bien le reconnaître : aujourd’hui, la confection et la répartition des budgets de l’assurance maladie se basent trop peu sur cette question-là.
Nous devons recourir partout - dans les soins primaires, mais aussi dans les hôpitaux – à de nouvelles formes de collaboration et d’intégration des soins : les soins intégrés sont l’avenir, grâce à la collaboration entre disciplines et entre compétences administratives. Cela suppose de nouvelles formes de financement, tant dans les soins primaires que dans les hôpitaux, mais aussi une affectation différente du personnel soignant, une affectation revalorisée, plus différenciée et plus souple du personnel infirmier. La collaboration est nécessaire non seulement pour renforcer notre capacité à fournir aux patients des soins de qualité, mais aussi pour organiser ces soins de manière plus ciblée.
Les travaux préparatoires sur la réforme du financement des hôpitaux suivent parfaitement le plan annoncé, mais je pense que tout le monde est conscient qu’il faut non seulement une réforme globale du financement, mais qu’il faut aussi repenser le paysage hospitalier lui-même, pour aller vers plus de collaboration et plus de spécialisation. Je ne vais pas aborder cet aspect plus en détail aujourd’hui, étant donné le peu de temps dont nous disposons. Permettez-moi néanmoins de m’attarder un peu sur la collaboration dans deux autres secteurs : les soins de santé en ambulatoire et l’incapacité de travail.
Au cours des trois dernières années, nous avons façonné la coopération entre les différentes disciplines des prestataires de soins dans le secteur ambulatoire au travers de ce que l’on appelle les « projets transversaux ». Des avancées concrètes ont été réalisées ; on peut citer l’amélioration du trajet de démarrage pour les diabétiques, le trajet de soins pour les enfants et les adolescents atteints d’obésité, le trajet de soins pour les troubles alimentaires... L’administration de l’INAMI y a consacré beaucoup de temps et d’énergie, et je voudrais exprimer ma grande gratitude pour cela. Mais la collaboration est restée un « complément », au-delà des agendas propres des différentes commissions de convention, plutôt que le point de départ central. Ces dernières années, nous avons énormément investi dans la première ligne de nos soins de santé, mais nous continuons à fonctionner avec une première ligne fragmentée. La situation doit évoluer. Dans une prochaine législature, si j’en ai la possibilité, je plaiderai à nouveau en faveur d’un fort investissement dans la première ligne, mais je le concentrerais sur des partenariats qui s’engagent à garantir un ensemble de soins multidisciplinaire. Avec des soins de médecine générale efficaces et des soins médicaux « spécialisés » de première ligne. Mais aussi des soins psychologiques et infirmiers et de la kinésithérapie. Et avec des soins périnataux bien organisés, dans lesquels les sages-femmes jouent un rôle important. Sans refuser de nouveaux patients. Et dont l’un des objectifs est la prévention. Ce choix a une conséquence. Dans certains secteurs, comme les diététiciens, les podologues et les ergothérapeutes, le remboursement des prestations est encore limité, voire inexistant. Je ne développerais pas ce remboursement en inscrivant des prestations distinctes, individuelles – « prestations en solo » - dans une nomenclature classique. En fait, cette époque est révolue. Je les intégrerais et les attribuerais à des coopérations. Cela s’applique aussi, par exemple, aux investissements qui sont nécessaires pour soutenir les sages-femmes : mettons surtout l’accent sur la coopération dans des soins bien organisés.
Je n’ai pas cité les « soins périnataux » par hasard. Non seulement parce que les soins périnataux sont si importants si nous voulons offrir à tout le monde des chances de bonne santé - il faut vraiment commencer avant la naissance - mais aussi parce que cela nécessite une coopération avec les entités fédérées, qui jouent un rôle important dans le suivi des jeunes enfants. Les soins périnataux ne sont qu’un exemple parmi d’autres : les acteurs fédéraux et l’INAMI devront miser systématiquement sur les soins intégrés en coopérant avec les entités fédérées : une coopération continue et intense qui doit être la règle et non l’exception.
Mais le verbe « collaborer » sera également le maître-mot dans ces autres domaines que sont l’incapacité de travail et la politique de Retour au Travail. Nous avons réalisé conjointement de belles réformes avec les organismes assureurs et les partenaires sociaux. La coopération avec les régions, par exemple, est plus intensive et plus homogène grâce aux nouveaux accords-cadres. Les coordinateurs Retour Au Travail établissent des liens directs avec les prestataires de services, y compris dans le secteur privé. Ce sont des exemples de projets sur lesquels l’INAMI et les organismes assureurs ont fortement mis l’accent. Et pourtant, ce n’est pas suffisant, surtout parce que le médecin traitant, le médecin du travail et le médecin-conseil sont encore des points trop isolés les uns des autres. Nous devons tracer des lignes pour relier ces points, afin qu’ils forment un triangle autour de l’individu en incapacité de travail reconnue, et de préférence un triangle équilatéral. La plateforme TRIO est un pas important dans la bonne direction, mais elle ne va peut-être pas assez loin. Nous devrons être prêts à briser des tabous également dans le domaine de l’incapacité de travail en repensant des procédures, des rôles et des responsabilités qui sortent des sentiers battus.
J’en viens maintenant au modèle de convention. Commençons par le problème de la sécurité tarifaire. L’héritage de 60 ans est un système de convention qui comporte trop peu d’engagement par rapport à la sécurité tarifaire. Avec les moyens de l’assurance maladie, des accords sont conclus entre les organisations professionnelles et les mutualités, l’objectif de l’assurance maladie étant d’offrir une sécurité tarifaire aux patients, mais en même temps, les organisations professionnelles exigent la liberté totale de leurs membres de ne pas offrir cette sécurité tarifaire malgré tout, sans qu’ils en subissent de grandes conséquences. Cette situation n’est plus tenable dans le contexte actuel : nous devons mener une réflexion autocritique sur le système de conventionnement lui-même. Dans mon récent livre, je fais quelques propositions concrètes à ce sujet. Sans trop entrer dans les détails, cela se résume à ceci : d’une part, nous devons accorder aux prestataires de soins qui veulent « sortir du système » moins d’avantages du système, alors que d’autre part, nous devons accorder aux prestataires de soins qui veulent travailler « dans le système » et qui appliquent la convention une liberté régulée d’adapter les tarifs dans des situations spécifiques où c’est socialement justifié. De cette manière, nous redonnerons de la logique et de l’équilibre au système. Je sais que cette réflexion est aussi en cours à l’INAMI et j’appelle à une concertation large et approfondie sur l’avenir du système des conventions, sans tabou.
Du reste, le défi du modèle de conventions ne se limite pas à continuer à garantir la sécurité tarifaire. Le besoin de collaboration et de soins intégrés, dont je viens de parler, impose également un changement de paradigme : les accords passés sur la rémunération de prestataires individuels pour des prestations individuelles ignore de plus en plus la réalité des soins en tant que service multidisciplinaire et continu dans le temps. En d’autres termes, la sécurité tarifaire n’est qu’un aspect de la réflexion nécessaire.
Le temps manque pour pouvoir aborder le quatrième axe stratégique de réforme que je viens de mentionner : la promotion et la prévention en matière de santé. Je suis de plus en plus convaincu que nous devons beaucoup plus mettre l’accent sur la promotion et la prévention en matière de santé. Nous ne pouvons plus nous baser sur une dichotomie binaire entre les « soins » et la « prévention ». La prévention et les soins devront être beaucoup plus étroitement imbriqués dans la pratique des soins de santé, à commencer par les soins primaires. Ce n’est pas pour rien que la prévention est l’une des missions clés des cabinets de médecins généralistes New Deal : c’est la voie à suivre dans tous les cabinets de médecine générale. Mais ce principe s’applique en réalité à de très nombreuses activités et secteurs des soins de santé, ainsi qu’à notre approche de l’incapacité de travail.
En ce qui concerne ce dernier point, je pense au rapport intéressant qui a été publié récemment par l’INAMI sur le profil des personnes en incapacité de travail de longue durée en raison de problèmes de santé mentale. Il est frappant de constater que ce sont aussi des jeunes qui tombent en maladie très tôt dans leur carrière à cause d’une dépression, d’anxiété ou d’un burn-out. Il est donc essentiel de mettre en place des stratégies de soins pour éviter les absences maladie de longue durée grâce à une détection précoce ; c’est ce que nous nous efforçons de faire, par exemple, dans la convention pour les soins psychologiques de première ligne et dans le programme de prévention secondaire du burn-out avec FEDRIS. Tout est interconnecté dans l’agenda de réforme qui est nécessaire.
Mesdames, messieurs,
Quand je dis que la concertation actuelle est, malgré les mesures qui ont été prises, encore trop peu encadrée par les quatre grands défis que j’ai cités - objectifs de (soins de) santé, collaboration, sécurité tarifaire, promotion et prévention en matière de santé - ce n’est pas pour limiter le rôle de la concertation. Au contraire. Le pire choix serait d’opter pour un étatisme moderne, cette idée que la politique (des soins) de santé est l’affaire des administrations publiques. La concertation, entre syndicats et employeurs, avec les indépendants, entre mutualités et prestataires de soins, est non seulement ancrée dans notre tradition sociale, mais elle a aussi joué un rôle particulièrement important dans notre pays au cours des 60 dernières années et elle a clairement montré sa valeur ajoutée. La concertation reste essentielle : une bonne concertation permet non seulement une bonne politique et une politique applicable dans la pratique, mais elle crée aussi l’adhésion pour la politique. Une bonne concertation permet également l’adaptabilité et la souplesse dans la politique, qui sont des qualités dont l’INAMI a vraiment fait preuve pendant la pandémie de Covid, et je vous en suis également reconnaissant. Mais je pense que la concertation devra se réinventer si elle veut contribuer aux soins de santé de demain.
La nécessité de faire bouger les lignes dans les soins de santé est d’ailleurs un constat au niveau international. S’il fallait résumer en une phrase les conclusions de la récente réunion des ministres de la santé publique de l’OCDE, ce serait : il faut investir et réformer dans les soins de santé, en ciblant les objectifs prioritaires de santé publique et en mettant beaucoup plus l’accent sur la prévention et la promotion de la santé. L’agenda européen que nous voulons élaborer au travers de notre présidence européenne est animé du même esprit : investir et réformer pour garantir un personnel de soins suffisant et adéquat, identifier correctement les « besoins non satisfaits » prioritaires, adopter une approche plus catégorique de la prévention, mettre au point notre niveau de préparation, garantir la disponibilité des médicaments... Je profite de l’occasion pour remercier le personnel de l’INAMI pour le rôle important qu’il a joué, en collaboration avec nos autres administrations et institution de santé, dans la préparation de ces initiatives de l’OCDE et de l’Union européenne, qui pourront être une source d’inspiration pour nous et pour d’autres pendant longtemps.
C’est un défi important, mais aussi une énorme opportunité pour la direction et pour tout le personnel de l’INAMI. En collaboration avec le SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement, le KCE, le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, le SPF Sécurité sociale et Sciensano, l’INAMI doit devenir un pôle d’innovation et de développement, qui guide un processus d’innovation basé sur des objectifs de soins de santé, qui propose des priorités claires, qui traduit les priorités en actions concrètes de réforme sans fonctionner en silos (pas de simples compléments, comme l’étaient les projets transversaux récemment), qui organise une concertation et une coopération systématiques avec les entités fédérées, et qui met en place une bien meilleure communication avec le terrain. En d’autres termes, l’INAMI doit être un acteur engagé, qui ose aussi remettre en question la concertation lorsque c’est nécessaire et qui, de ce fait, donne à cette concertation une réelle emprise durable sur l’avenir. Un acteur qui anticipe le chapitre européen et international.
Vous êtes en mesure de le faire. Il y a dix ans, à l’occasion des 50 ans de l’INAMI, l’administration a clairement amorcé le mouvement avec le projet « Balises pour le futur » et elle a joué un rôle de déclencheur. Les défis auxquels nous faisons face aujourd’hui sont tels qu’une nouvelle impulsion forte est nécessaire.
Je suis absolument convaincu que vous pouvez le faire et je voudrais vous remercier une nouvelle fois pour le travail colossal et l’engagement impressionnant dont j’ai pu être témoin ces dernières années.
[i] Marc Coenen in gesprek met Frank Vandenbroucke, 10 Franke vragen aan Frank, Pelckmans, 2024