Toespraak

MAHA 2024

Mesdames et Messieurs  

Au cours de cette dernière législature, nous avons été confrontés à des crises successives qui ont eu un impact majeur sur nos soins de santé, et en particulier sur nos hôpitaux et leur personnel. En 2020 et 2021, c’est le Covid qui régnait. En 2022, la crise énergétique et l’inflation ont été omniprésentes. En 2023, un certain équilibre s’est rétabli, dans le sens où nous avons été épargnés d’autres chocs importants. Mais comme le montre l’analyse MAHA que vous venez d’entendre, les effets sont encore perceptibles en 2023. Aussi bien sur le plan financier qu’en termes de pénurie de personnel de soins. Je retiens plusieurs éléments des chiffres compilés par l’équipe de Belfius, que je félicite au passage pour le 30ème anniversaire de l’analyse MAHA.  

  

En ce qui concerne les activités : 

Nous constatons une hausse globale du nombre d’admissions par rapport à 2019, de 7,9 %, mais avec un profil qui évolue clairement : les admissions classiques continuent de baisser et ce, surtout dans les lits aigus I, C, D et M, tout comme nous constatons une baisse du nombre de journées d’hospitalisation. A l’inverse, un glissement clair vers l’hôpital de jour apparaît - et il est souhaité par le politique -  en ce qui concerne l’hôpital de jour chirurgical, il s’agit d’une hausse de 33 % par rapport à 2019.  

Cependant, cette hausse des activités ne se traduit pas par un meilleur résultat d’exploitation. Ce résultat reste stablement négatif. Grâce aux résultats exceptionnels, le résultat de l’exercice reste tout juste positif à 0,4 % du chiffre d’affaires, soit 82 millions.  

Ce qui continue à peser clairement sur le résultat d’exploitation, ce sont les coûts des achats et des marchandises, qui sont en hausse de 12,8 %. Le coût de l’énergie joue un rôle important dans ce cadre. Heureusement, selon les prévisions, ce coût énergétique devrait à nouveau baisser quelque peu en 2024.  
 
Un autre facteur qui continue de jouer un rôle est la pénurie de personnel. S’il est vrai que les effectifs augmentent, le nombre de postes vacants reste de l’ordre de 4 000. Et nous constatons également que l’absentéisme après le Covid est toujours en légère hausse, ce qui nécessite de davantage faire appel à du personnel intérimaire. En 2024, nos étudiants inscrits dans les formations de l’art infirmier ont augmenté par rapport à l’année précédente. Le chemin à parcourir est encore long, mais c’est encourageant.  
 
Mais les défis restent de taille. À très court terme, nous devons fixer le budget des soins de santé pour 2025 avec le gouvernement en affaires courantes. 
 
Le Conseil général n’a malheureusement pas pu prendre cette décision le 21 octobre parce que le gouvernement n’a pas pu délibérer à ce sujet.  
 
Pourtant, une proposition élaborée, concrète et détaillée existait au sein du gouvernement pour maintenir le cap du budget 2025. Grâce à des mesures visant à maîtriser les dépenses, sans que cela ne pèse sur les patients, mais en maintenant l’index et la norme de croissance de 2,5% qui est nécessaire. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que le budget soit sur les rails avant la fin de l’année. 

C’est notre responsabilité à très court terme. À un peu plus long terme, le prochain gouvernement devra relever pleinement les défis structurels auxquels nos soins de santé doivent faire face. Il s’agit de défis liés aux tendances démographiques, sociologiques et technologiques qui se manifestent depuis plusieurs années et qui exerceront encore longtemps une certaine pression.  

Je continue de le répéter. Nous devons continuer à investir dans les soins de santé, mais aussi oser réformer, afin de maximiser la qualité pour le patient dans un contexte de pénurie de personnel.  Continuer à faire la même chose n’est pas une solution : nous devons être plus ambitieux. L’analyse MAHA 2023 l'indique très clairement.  

   

Considérations sur l’analyse  

L’analyse montre qu’en 2023 également, nos hôpitaux généraux ont dû fournir de gros efforts pour arriver à tout boucler, que ce soit sur le plan budgétaire ou sur le plan organisationnel. J’en suis extrêmement conscient et je vous suis très reconnaissant d’avoir réalisé cet exercice. Je tiens en premier lieu à vous en remercier cordialement, vous et vos collaborateurs.  
 
Quelles sont à mes yeux les conclusions les plus marquantes ? En premier lieu, les hôpitaux continuent d’éprouver des difficultés financières, malgré les investissements supplémentaires dans le secteur.  
 
Au cours de cette législature, le Budget des moyens financiers a connu une hausse annuelle moyenne de 7,24 % en valeur nominale et de 3,97 % en valeur réelle. Entre 2019 et 2024, la somme de tous les honoraires des médecins a augmenté en moyenne de 5,66 % par an en valeur nominale et de 1,42 % en valeur réelle.  

Pour mettre ces chiffres en relief, permettez-moi de les comparer à la croissance réelle du PNB sur la même période, 2019-2024. La croissance de l’effort fédéral pour le Budget des moyens financiers des hôpitaux a été plus de 3 fois supérieure à la croissance du PNB. Sur l’ensemble de la période, l’augmentation de la masse des honoraires des médecins est 1,5 fois supérieure à la croissance du PNB. Les autorités fédérales et la sécurité sociale ont investi directement (au travers du BMF) et indirectement (au travers des honoraires des médecins) dans les hôpitaux. Et c’était et cela reste nécessaire.  

Cependant, l'évolution des honoraires est très irrégulière, avec des années de forte baisse et de forte hausse en termes réels. Pour ce qui est de la période écoulée, c'est dû, d'une part, à la baisse d'activité pendant le Covid et, d'autre part, au report de l'indexation des honoraires. L'année dernière, j'ai déjà souligné que la dualité du financement des hôpitaux conduisait à une grande instabilité : c'est en soi une raison pour réformer en profondeur le financement des hôpitaux. 

Ce n’est pas une solution de continuer sur la même voie, sans revoir en profondeur le modèle de financement des hôpitaux. Nous devons aller vers un nouveau modèle, moins complexe et plus transparent (1) qui encourage moins la concurrence et plus de coopération, et (2) qui incite à plus de qualité et d’efficacité sans récompenser une éventuelle surconsommation. La pierre angulaire de ce nouveau modèle de financement est l’introduction d’un « forfait all-in » par pathologie qui englobe tous les coûts justifiés liés aux soins.  

Pour y parvenir, il faut cartographier ces coûts liés aux soins. Cet exercice est en cours. Les groupes de recherche ULB/KUL et Möbius sont en train d’établir cette cartographie des coûts directs des prestations médicales. Ces travaux vont déboucher sur des données exploitables d’ici la fin de l’année.  
 
Parallèlement, le coût des soins pendant une hospitalisation sera cartographié par pathologie. Le Centre d’expertise (KCE) a également finalisé sa mise à jour des coûts indirects des prestations médicales. Ce sont ces trois composantes de coûts que nous voulons intégrer dans le courant de l’année 2025 pour aboutir aux forfaits all-in.  
 
Une fois que nous aurons clairement identifié les coûts, nous allons les comparer aux canaux de financement qui couvrent actuellement ces coûts. Il s’agit du Budget des moyens financiers, complété ou non par une partie rétrocessions d’honoraires de médecins pour les patients hospitalisés. Et ce, conjointement avec les forfaits INAMI et les rétrocessions d’honoraires de médecins pour les activités d’hôpital de jour et ambulatoires à l’hôpital qui ne sont pas incluses dans le périmètre du BMF.  

Si nous faisons cet exercice, nous aurons une meilleure compréhension du degré de cofinancement des hôpitaux à partir des rétrocessions d’honoraires et des suppléments d’honoraires. Selon l’analyse MAHA 2023, la globalité des rétrocessions d’honoraires (suppléments inclus) est de 38 %.

Pour pouvoir véritablement nous faire une idée claire, par exemple, des différences entre spécialités et hôpitaux et de leur utilisation au sein des hôpitaux, nous aurons néanmoins besoin d’une analyse encore plus détaillée. Je compte sur l’enquête, qui a été élaborée en concertation entre médecins et hôpitaux au sein de la Commission paritaire nationale médecins-hôpitaux, et qui porte sur les rétrocessions des suppléments d’honoraires dans les hôpitaux, pour nous permettra d’en savoir plus sur l’importance des suppléments d’honoraires pour couvrir les coûts d’exploitation des hôpitaux. J’ai appris que les résultats sont attendus pour la mi-janvier 2025. 
 
Nous devrons prendre en compte cette donnée dans le cadre des discussions sur la réduction progressive des suppléments, qui reste un objectif très important.  

Le récent rapport de l’Agence intermutualiste, dont il ressort que les patients reçoivent parfois une facture très élevée, le démontre une fois de plus. Une approche globale est nécessaire, qui inclut les suppléments dans le secteur ambulatoire et l’évolution inquiétante qui y est liée, à savoir le déconventionnement croissant de plusieurs professions de soins. En 2023, un spécialiste actif sur quatre est déconventionné. Ce phénomène est particulièrement visible dans les spécialités chirurgicales. Le prochain gouvernement devra repenser en profondeur l’ensemble du système de conventionnement, en concertation avec tous les acteurs.  

  

Mesdames, messieurs, 

Je le répète : l’un des objectifs de ce nouveau modèle de financement est d’inciter à augmenter la qualité et l’efficacité sans récompenser la surconsommation. La réforme du financement des CT-Scan et des IRM, sur laquelle je continue d’insister, doit également y contribuer. Depuis des années, nous constatons que, par rapport aux pays voisins, nous faisons relativement souvent appel aux CT-scans au lieu des examens IRM. Les tentatives pour y remédier sont restées vaines ces dernières années.  

J’ai à nouveau augmenté le nombre maximum d’appareils IRM qui peuvent être installés dans nos hôpitaux, en partie sur avis du Conseil fédéral des établissements hospitaliers et de BELMIP. Même si certaines entités fédérées ont exprimé leur mécontentement sur la répartition du nombre supplémentaire par Région, je compte sur elles pour qu’elles convertissent l’augmentation de la programmation en agréments dans les faits. La balle est désormais dans le camp des entités fédérées pour accorder les agréments. Un nouveau système de financement ne suffit évidemment pas : nous avons aussi introduit la législation nécessaire pour pouvoir installer les systèmes dits de clinical decision support. 

Il est également urgent de mettre en place un nouveau système de financement lié à la population qui encourage l’utilisation des examens IRM basée sur des données probantes, en suivant une approche forfaitaire. Le délai dans lequel le Conseil technique médical devait rendre une proposition à ce sujet est largement dépassé. Il faut vraiment s’y atteler.  

 

Le paysage hospitalier souhaité 
 
L’évolution de l’hospitalisation classique vers l’hôpital de jour est un deuxième constat important dans l’analyse MAHA.  

La baisse de la durée moyenne d’hospitalisation et la baisse des admissions, en particulier dans les lits C/D/M, qui sont relevées par l’analyse de Belfius, ont un caractère structurel évident : elles sont également conformes à la projection en termes de lits hospitaliers nécessaires qui a été réalisée par la Centre d’expertise.  

Mais comment utiliser les lits restants de la manière la plus efficace possible ? La seule solution est l’utilisation la plus efficace possible de l’atout le plus précieux, à savoir le personnel de soins autour des lits.  
Comme l’indique à nouveau l’analyse MAHA, le nombre de bras disponibles au chevet des patients reste une préoccupation majeure. C’est certainement vrai pour les infirmières, mais le risque existe également pour les médecins qui souhaitent encore travailler en milieu hospitalier. Cela signifie que les infirmières disponibles seront affectées de la manière la plus efficace possible. Avec l’exigence fondamentale que la norme d’encadrement adéquate selon la gravité des soins aux patients reste garantie.  

Nous devons vraiment réfléchir au nombre nécessaire de sites hospitaliers où la permanence infirmière et médicale doit être assurée 24h/24 et 7 j/7. Une réflexion approfondie est également nécessaire sur la taille optimale de ces sites. 

La taille optimale d’un hôpital général se situe entre 250 et 600 lits. Comme l’illustre clairement l’étude du Centre d’expertise des Soins de santé sur les maternités, une taille suffisante permet une utilisation plus efficace du personnel de soins. Elle permet également de disposer d’une capacité tampon plus importante afin de réduire autant que possible le risque que les patients ne puissent pas être immédiatement admis dans l’unité de soins la plus appropriée pour eux. Un hôpital général doit également être équipé pour pouvoir faire face aux urgences. Idéalement, cela nécessite non seulement un service d’urgence spécialisé, mais aussi l’équipement critique nécessaire au sein de l’hôpital.  

La situation est différente pour les sites hospitaliers qui se concentrent sur le traitement électif standardisable des diagnostics préétablis, les « outpatient clinics ». Ces prises en charge ne nécessitent pas de permanence 24 h/24 et 7 j/7 du personnel infirmier et médical. Elles permettent souvent d’obtenir un flux de patients très efficace entre les mains d’équipes médicales généralement monodisciplinaires. 

D’où la question de savoir si nous ne devrions pas structurer le paysage hospitalier sur la base de trois niveaux ; cette idée apparaît également dans les avis du Conseil fédéral des établissements hospitaliers sur les « agréments en cascade ».  
 
Au premier niveau, il y a les outpatient clinics pour les traitements électifs. Elles sont exploitées par les hôpitaux généraux de grande taille, qui se situent à un deuxième niveau : équipés de manière adéquate pour offrir la majorité des programmes de soins de manière efficace, ciblée et à proximité du patient. À un troisième niveau, pour les programmes de soins plus complexes, il existe une coopération avec des centres de référence, dont le nombre et l’intégration dans les hôpitaux généraux et/ou universitaires dépendent de la pathologie.  

Le professeur Johan Kips a récemment suggéré une telle approche dans le cadre de la structure de concertation ad hoc « réforme de l’organisation et du financement des hôpitaux».  

Permettez-moi d’être clair sur ce point : un paysage hospitalier plus rationnel doit être axé sur une qualité maximale pour les patients, et sur l’efficacité, plutôt que sur la quantité. Afin que, selon la devise « des soins de proximité si possible, des soins spécialisés si nécessaire », chaque patient reçoive les meilleurs soins. Et ce, au moment et à l’endroit où ces meilleurs soins sont disponibles. Dans le cadre d’un modèle qui utilise les ressources budgétaires disponibles de la manière la plus efficiente possible. Pour que nous puissions continuer à répondre aux besoins croissants de la société d’une manière financièrement supportable pour tous. La tâche n’est pas aisée, mais elle est nécessaire pour les années à venir. 

L'approche d'un tel trajet de réforme doit être définie dans un nouvel accord de gouvernement. D'une part, il faudra se concerter avec les entités fédérées. D'autre part, les experts du secteur doivent pouvoir donner une impulsion créative et indépendante. C'est pourquoi je demanderai au Conseil fédéral des établissements hospitaliers quelle est la meilleure façon d'obtenir un avis d'expert approfondi et indépendant sur un plan global de réforme du paysage hospitalier. Selon moi, un tel avis devrait pouvoir être disponible au 1er juillet 2025, de manière à pouvoir s'en inspirer dès la première année de la nouvelle législature.  L’ensemble du processus sera sans aucun doute scindé en plusieurs chantiers afin que le processus de changement soit et reste réalisable pour toutes les parties prenantes. C’est la seule façon dont nous pourrons faire en sorte de maintenir des soins de santé à la fois bons et finançables : en réformant et en investissant en concertation.  

J’espère que vous partagez ces objectifs avec moi. Faisons collaborer les acteurs politiques et les acteurs de terrain de manière constructive pour mener à bien les défis auxquels nous faisons face. Le premier pas, que nous devons encore faire avec le gouvernement en affaires courantes, est d’approuver le budget des soins de santé 2025, afin de ramener la sérénité chez tous les professionnels de soins et de leur donner des certitudes, ainsi qu’aux patients.