Discours
15 Novembre 2022
Le financement du secteur hospitalier
Mesdames et messieurs,
Vous traversez une période difficile. Malheureusement, voilà trois années de suite que cette phrase d’introduction reste d’actualité, alors que je partage ma réaction sur l'étude MAHA, l’analyse financière du secteur hospitalier menée par Belfius. Je sais que vous faites de gros efforts pour arriver à tout boucler, en termes de budget, mais aussi d’organisation. Je vous en suis très reconnaissant et je tiens à vous remercier et à vous féliciter, une fois de plus, vous et vos collaborateurs.
En 2020 et 2021, tout tournait encore autour du Covid, que ce soit au niveau des chiffres financiers ou des défis d’organisation auxquels les hôpitaux étaient confrontés. Le gouvernement fédéral a soutenu financièrement les hôpitaux pendant la pandémie par des interventions financières exceptionnelles. Ce soutien vous a permis de traverser la crise, comme le montre aussi ce dernier rapport MAHA. En 2020, par exemple, une avance de 2 milliards d'euros a été versée.
Selon les calculs actuels – et compte tenu de l'intervention prévue jusqu'à la fin mars 2022 – un montant supplémentaire de plusieurs dizaines de millions d'euros devrait encore être versé. Ce qui signifie que, globalement (pour l'ensemble du secteur hospitalier), il ne devra y avoir aucun remboursement, même si, évidemment, il n’est pas exclu qu'un hôpital particulier ait reçu une avance trop élevée.
Mais alors que la crise du Covid vient tout juste d’être maîtrisée (et – espérons-le – qu’elle le restera), nous voilà confrontés à une nouvelle crise, avec une inflation énorme et des prix de l'énergie sans précédent. De plus, la pénurie de personnel reste aiguë, tandis que de nombreux hôpitaux doivent encore rattraper leur arriéré des soins qui ont été reportés.
Ce sont donc de gigantesques défis auxquels nous sommes confrontés ensemble, et nous devons y répondre ensemble.
1. APPORTER ENSEMBLE UNE REPONSE À LA CRISE DU PERSONNEL
Il y a deux ans exactement, le 12 novembre 2020, était signé l'accord social pour les secteurs fédéraux non marchands, qui représentait un investissement de 600 millions d'euros dans l'amélioration des salaires et des conditions de travail du personnel de soins. Nous avons investi en plus –en guise de conclusion, si vous voulez – 7 millions dans le renforcement des services de ressources humaines. Il s'agit d'un montant relativement faible, mais qui peut avoir un impact important en soutenant des actions pour améliorer le bien-être au travail. Il s'agit de diffuser de « bonnes pratiques » qui existent aujourd'hui dans de nombreux hôpitaux et dont je suis régulièrement témoin lors de mes visites sur le terrain.
Avec le Fonds Blouses blanches, 402 millions d'euros ont été investis structurellement dans du personnel supplémentaire. Selon l'enquête dans le cadre de l’analyse MAHA, cet investissement a apporté 3 200 emplois supplémentaires dans les hôpitaux.
La pénurie de personnel n’est malheureusement pas résolue pour autant et elle mérite une réponse et des solutions à l'épreuve du temps. C'est pourquoi j'ai pris l'initiative d'élaborer, conjointement avec les partenaires sociaux, un « Agenda pour l’avenir du personnel soignant ». L'objectif est d’élaborer un plan global à moyen et à long termes. Ce faisant, nous voulons identifier les actions concrètes et les pistes de solution pour rendre le travail dans les soins plus attrayant. Les discussions à ce sujet ont commencé.
Mais bien sûr, c’est MAINTENANT que les besoins sont grands et donc, c’est MAINTENANT que nous devons donc faire tout ce qui est possible pour trouver du personnel supplémentaire à court terme. Nous y travaillons également. Avant les vacances d'été, le gouvernement a approuvé un paquet de mesures d'urgence à cet effet. Ces mesures ont pris effet le 1er juillet et s'appliqueront au moins jusqu'au 31 mars 2023. Le fil conducteur est que temporairement, vous pouvez faire appel plus facilement à des bénévoles, des retraités, des étudiants, des personnes en interruption de carrière, des chômeurs... Je voudrais aussi vous rappeler les budgets supplémentaires uniques qui ont été libérés pour l'équipement qui soulage le personnel infirmier et qui soutient le personnel soignant. Je pense, par exemple, à l’équipement qui permet de remplacer la mesure manuelle de la pression artérielle par une mesure automatique et au soutien des tâches administratives ou logistiques. Dans ce contexte, le gouvernement a aussi décidé, lors du récent conclave budgétaire, d’autoriser, à partir du 1er janvier 2023, le régime existant des flexi-jobs dans le secteur des soins (Commission paritaire 330) pour les fonctions de soutien.
En outre, nous continuons de miser sur l’afflux de personnel (provenant d’autres secteurs), afin que les personnes étrangères au secteur et qui souhaitent le rejoindre puissent suivre une formation d’aide-soignant ou d'infirmier. Ces personnes sont payées pendant leur formation et, dès qu’elle est terminée, elles peuvent commencer à y travailler. À cette fin, nous renforçons structurellement les projets #ChoisisLesSoins et Projet de formation en art infirmier (projet 600). En 2021, 446 personnes ont déjà commencé à se former grâce à #ChoisisLesSoins ; en septembre 2022, 478 personnes franchiront le pas grâce à #ChoisisLesSoins.
« Nous aimerions bien, mais nous n’avons pas le droit. »
C'est une phrase que j'entends régulièrement parmi vous. La préoccupation est bien connue : la réglementation existante empêche que les tâches actuellement effectuées par les infirmières ou les aides-soignantes soient réalisées par d'autres personnes. Comment pouvons-nous mettre en place une différenciation des tâches, c'est-à-dire une délégation fonctionnelle des tâches qui peuvent être effectuées par d'autres personnes, par exemple, dans une équipe structurée. En respectant, bien sûr, la qualité des soins et de la formation du personnel. C’est pourquoi – à ma demande – un groupe de travail dirigé par un expert externe devra rendre un rapport à ce sujet au plus tard le 31 mars 2023.
« Nous aimerions bien, mais nous n’en avons pas l’occasion. »
C'est un autre souhait que j'entends régulièrement, et cette fois, de la bouche de travailleurs à temps partiel. Ils disent qu’ils veulent travailler plus, mais qu’ils n'ont pas la possibilité de le faire, alors que la réglementation le permet. Je vous invite donc à donner la priorité, dans vos effectifs, aux collaborateurs qui travaillent à temps partiel, pour qu’ils puissent augmenter leurs heures de travail. Je vais élaborer des incitants financiers supplémentaires à cet effet. Une concertation sur la question sera lancée avec les partenaires sociaux. J'ai l'intention d'appliquer cette incitation financière à partir du quatrième trimestre de 2022, n'hésitez donc pas à anticiper cette mesure.
Enfin, en ce qui concerne les effectifs, je voudrais revenir sur la question des malades de longue durée. La problématique ne vous est pas inconnue. Les données disponibles montrent que même dans les secteurs non marchands, dont les établissements de soins et les institutions médicales, il y a du pain sur la planche en matière de faisabilité du travail et de conditions de travail pour le personnel.
Nous devons faire en sorte, ensemble, que les malades de longue durée qui en ont le souhait et la capacité puissent reprendre le travail. Les employeurs ont également une responsabilité dans ce cadre. C’est pourquoi, les entreprises - et également les hôpitaux - qui enregistrent des sorties de personnel pour maladie de longue durée supérieures à la moyenne devront verser une cotisation de responsabilisation à l'ONSS ; cette cotisation devra être versée pour la première fois au deuxième trimestre de 2023 en fonction des quatre trimestres de référence de 2022. Les recettes de la cotisation seront mises à la disposition des commissions paritaires pour financer des mesures de prévention en matière de santé et de sécurité au travail et/ou des mesures de réinsertion durable des malades de longue durée.
2. APPORTER ENSEMBLE UNE REPONSE À LA CRISE DES COÛTS
Pour affronter la crise des coûts, il faut de la créativité et un engagement de nous tous, ensemble. Ce thème nous occupera encore longtemps. Espérons que la crise des coûts devienne un défi moins structurel. L'avenir nous le dira, mais le Bureau du Plan a néanmoins déclaré que « le pic d'inflation est derrière nous ».
L'inflation élevée, et certainement aussi l'explosion des prix de l'énergie, vous touchent de plein fouet. Heureusement, le Budget des moyens financiers suit l'indice pivot, ce qui vous protège des plus gros chocs. Cependant, j’ai conscience – et vous ne manquez pas une occasion de me le rappeler – que les hôpitaux dépendent aussi en partie des rétrocessions d’honoraires des médecins pour leur financement ; notamment pour le financement de la policlinique. Cependant ces honoraires de médecins sont indexés avec du retard selon le système d'indexation en vigueur. C’est pourquoi l'INAMI va mener une analyse des mécanismes d'indexation actuels et des alternatives possibles d'ici le 1er mars 2023. Les avantages et les inconvénients de chaque système seront étudiés et une analyse de l'impact budgétaire sera faite.
Pour supporter la hausse des coûts de l'énergie, le gouvernement a décidé au dernier conclave budgétaire de débloquer 80 millions d'euros, afin d’aider les hôpitaux au premier semestre 2023. Avant le 30 juin 2023, nous évaluerons si des fonds supplémentaires doivent être libérés à cause des prix de l'énergie. Cette compensation sera maintenue en dehors du budget de l'assurance maladie et sera financée de manière exogène.
Je voudrais encore m'attarder sur une autre mesure de soutien importante. Tous les employeurs, y compris vous, seront soutenus en 2023 au moyen d’une réduction des cotisations patronales ONSS nettes de 7,07 % au cours des premier et deuxième trimestres 2023. Pour les troisième et quatrième trimestres, nous prévoyons un report de paiement à hauteur du même pourcentage. Pour les secteurs (fédéraux et régionaux) de la santé et de l'aide sociale, cela représente un effort budgétaire d'environ 390 millions d'euros en 2023, dont la moitié est donc acquise de manière permanente (cotisation de solvabilité), et l'autre moitié implique un étalement dans le temps (cotisation de liquidité).
Avec toutes ces mesures, le gouvernement fédéral fournit un effort budgétaire important pour vous permettre de traverser les crises qui se suivent. Cependant, ces crises touchent non seulement le secteur des soins, mais aussi les prestataires de soins, et surtout la population. Par conséquent, nous attendons quelque chose des hôpitaux en contrepartie en ce qui concerne la protection des ménages et le conventionnement par les médecins. Les hôpitaux ne peuvent donc pas répercuter l'augmentation des coûts de chauffage sur les patients, sous la forme d’une augmentation des suppléments d'honoraires ou des suppléments de chambre, ni sur leurs médecins conventionnés.
Ces investissements sont nécessaires.
Mais des réformes sont tout aussi nécessaires. C'est pourquoi je continue de travailler avec conviction à la réforme du financement et de l'organisation des hôpitaux. Cette réforme doit se faire de manière réfléchie et prendra le temps qu’il faut. Je suis convaincu que nous devons jeter les bases d'une approche pluriannuelle qui doit permettre un changement de cap de notre navire. Et ce, en gardant à l’esprit quatre objectifs pour nos hôpitaux : (1) moins inciter à la surconsommation et plus mettre l’accent sur la santé ; (2) moins de complexité et plus de transparence ; (3) moins de conflits, moins de concurrence et plus de coopération ; (4) moins de suppléments et plus de sécurité tarifaire.
Je sais que nous sommes d’accord sur beaucoup de ces objectifs. Aujourd'hui, je tends donc la main résolument pour collaborer de manière proactive et constructive sur toutes ces réformes, petites et grandes, afin de mener à bien ensemble les défis auxquels nous sommes confrontés.
Je vous remercie.